J’ai, comme à chaque fois que je présente une exposition, hésité sur son titre, et, comme à chaque fois, me suis demandé, celui-ci aussitôt trouvé, si j’en disais trop ou pas assez. Les Maîtres du Mystère : qu’est-ce que cache ou révèle ce titre démarqué d’une célèbre émission policière de radio diffusée dans les années 50? Rien justement. Ou plutôt rien de précis. Il laisse supposer qu’il sera question de quelque chose de diffcile à expliquer, de ténébreux peut-être, d’ésotérique probablement, inaccessible sans initiation magistrale. Si ce n’est pas la première fois que j’utilise le mot « mystère » dans un titre d’œuvre, c’est, dans le cas de l’exposition proposée à l’Espace A VENDRE, en référence directe et dans la continuité du livre très illustré que nous avons publié en 2007, Xavier Boussiron et moi-même, Le Cœur du Mystère, en retenant plus spécialement cette fois certaines figures entretenant une relation particulière avec le fond énigmatique de la création, le refoulé des œuvres, mélange de magie de pacotille et d’intimité inaccessible. L’explication est un peu courte ? Un peu floue? Oui, sans doute. Mais quoi, un mystère se doit de rester impénétrable, non ? C’est comme un secret. Motus ! Il ne tient que bouche cousue. À l’évidence, le mystère, quand il échappe au poussif registre policier (loupe et limier), impose une manière de théâtralité grand-guignolesque : drapés décadents, gestes biscornus symboliques, textes chiffrés, formules cabalistiques, musiques étranges et anxiogènes, rires lugubres, silhouettes tordues surgissant, bras en l’air et verbe incantatoire, de fumées verdâtres, les forces du Mal se tenant en coulisse… S’agit-il de cela ? Pas exactement, même si tout ce fatras participe de l’imagerie véhiculée par le mot, et de fait constitue une part importante de mon imaginaire. Mystère, pourtant, est surtout un mot indéfinissable,un «je-ne-sais-quoi » générateur de malentendu dirait Jankélévitch, qui échappe à l’explication rationnelle. Il est précisément à prendre, dans le contexte de cette exposition, comme : inspiration inexpliquée. Cette inspiration est en quelque sorte mise en intrigue par la présence d’artistes que j’identifie volontiers, sans pour autant justifier davantage mon choix, comme de parfaits Maîtres du Mystère, au travers d’œuvres présentées tour à tour ou ensemble : Philippe Mayaux, Éric Duyckaerts, Jacques Villeglé, Raymond Pettibon, Jean-Marc Ferrari, Éric Madeleine, Benjamin Blaquart, Jean Dupuy, Xavier Boussiron … Cinq moments scanderont cette exposition : Ici les profondeurs, j’écoute! / Dieu revient de suite /Un trou dans la poitrine/ Comme dans un nuage de guêpes / C’était un coup monté !… Ne m’en demandez pas plus ! Arnaud Labelle-Rojoux