04 mai • 16 juin 2024
Telle Alice traversant le miroir pour parcourir un monde magique, Racca Vammerisse défie ses vieux démons tout au long du parcours onirique qu’il nous propose à l’Espace à Vendre.
Il nous entraîne dans son univers intime peuplé de vieilles chimères éclaboussées d’émail ruisselant, de sphinx renaissants de leurs cendres ; autant de rêves, de cauchemars éveillés, de fantasmes inachevés, sortis non sans peine des fours de l’atelier.
« J’ai pétri de la boue et j’en ai fait de l’or »
Charles Baudelaire (Orgueil / Les fleurs du Mal)
Son énergie et son entêtement à façonner la terre, à ériger des totems à l’équilibre incertain lui permettent de vivre avec ses peurs, de les affronter dans ces duels dont l’issue reste aléatoire, ni vainqueur ni vaincu, d’ailleurs qu’importe ! L’enjeu n’est pas là. Il faut apprivoiser la douleur, vivre avec au jour le jour pour mieux la cerner, l’encercler, la soumettre, lui survivre … vaste illusion, inaccessible étoile.
« Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche » Gérard de Nerval
Chacune de ces monstrueuses créatures cornues et griffues, participe à une expérience organique, étrange et fascinante : déambuler au cœur d’une nuit peuplée d’êtres morcelés mi-ange mi-démon que l’on rêve de caresser au risque de les réveiller et ainsi faire resurgir tous les sortilèges engloutis sous d’épaisses couches d’émail. Le parcours tracé sous le plafond fissuré de nos désirs dessine une cartographie de notre enfance, rythme une danse macabre de fantômes immobiles reflets de nos peurs et nos envies les plus inavouables, de notre fascination voire notre attirance sexuelle pour la laideur.
« La laideur a ceci de supérieur à la beauté qu’elle ne disparaît pas avec le temps »
Serge Gainsbourg
Racca Vammerisse nous tend un miroir sans tain dans lequel fantasmes et cruauté se nourrissent du regard de l’autre, mais de quel côté sont les voyeurs ?
« C’est en rentrant dans l’objet qu’on rentre dans sa propre peau » Henri Matisse
Et si toutes ces pièces n’étaient que les partitions d’une réalité illusoire inventée sur le grotesque du sens de la vie ? Mais qu’importe, laissons-nous entrainer dans cette ronde funèbre en prenant garde de ne jamais nous retourner.
« Le talent c’est la politesse à l’égard de la matière, il consiste à donner un chant à ce qui était mort »
Jean Genet
Commissariat : Jean-Pierre Paringaux